• #0 - Prologue [Ciel]

    #0 - Prologue [Ciel]

     

    Qui est ce garçon au corps martyrisé qui porte en lui des traces qui ne seront jamais effacées ? Il me regarde fixement de ses petits yeux noisettes creusés de grosses cernes noires, dues au sommeil qui lui manque toutes les nuits. Il touche sa joue parcourue d'une longue cicatrice et ferme les yeux.

     

    FLASHBACK

    J'entends les lattes du plancher craquer sous l'effet des flammes. Il n'a fallu que quelques instants, que quelques minutes, me semble-t-il, pour que je sois encerclé par le feu. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir, d'humer l'odeur de fumée, de me rendre compte de quoi que ce soit avant d'être complètement bloqué. Tout est arrivé si vite. J'ai l'impression que le musée s'est vidé en quelques secondes seulement. Des pleurs, des cris, de l'angoisse, un moment figé dans le temps où ma respiration s'est arrêtée, et j'étais seul. Tout le monde s'est enfui, et moi je suis resté planté là comme un con.

    Je dois trouver des gens. Je dois m'assurer que je ne suis pas vraiment seul. Je reviens à moi et me précipite vers la seule sortie que je vois. La température est passée de vingt à presque cinquante degrés en quelques secondes, et je sens déjà que j'ai du mal à respirer. Je cours sans relâche en appelant à l'aide, en demandant s'il y a quelqu'un, mais la seule réponse que j'obtiens est un crépitement déchaîné de flammes qui me rattrapent à la vitesse de l'éclair, consumant le bois du plancher, des murs, du toit…

     

    - A l'aide !! Il y a quelqu'un ?! A l'aide !!

     

    Je traverse toutes les portes, je cours dans tous les couloirs, et je ne vois que le désespoir autour de moi. Je me retourne et j'aperçois les flammes qui lèchent déjà l'encadrement de la dernière porte que j'ai passée. Je dois rejoindre les escaliers. A gauche, à droite ! Oh merde, pas par là ! Demi-tour, à droite… Où sont ces fichus escaliers ?!! Qui a eu l'idée d'un labyrinthe pareil ?! Je commence à suffoquer, je tousse à pleins poumons et l'air rentre de plus en plus mal. Je ne vais pas m'en sortir. Maman, Papa, je vous aime…

     

    Soudain, des cris attirent mon attention. J'ai enfin trouvé des escaliers, je me précipite au premier étage. Il faut continuer tout droit. Le feu n'est peut-être pas encore arrivé de ce côté du bâtiment. Mais punaise, qu'est-ce que c'est grand ! Qu'est-ce que c'est long ! Les cris s'intensifient, et sont mêlés à des pleurs. Je dois les tirer de là. Dans une pièce où sont exposées des momies, je trouve un couple de personnes âgées. Ils sont recroquevillés dans le coin de la pièce et toussent à en perdre les poumons.

     

    - S'il vous plaît, aidez-nous ! Me crie l'un d'entre eux, à bout de souffle.

    Je me précipite vers eux et les aide à se relever.

    - Venez, par ici, vite !

     

    Je me précipite en leur tenant la main, mais ils sont très lents, et je doute que l'on puisse sortir à temps. J'ai l'impression d'avancer dans un brouillard de cendres, que l'on m'asphyxie en plein jour, que l'on m'a lancé une bombe lacrymogène. Mes yeux pleurent et mon cœur bat la chamade. Je sue de toutes parts, je commence à être noir de suie, mais je cours le plus vite que je peux et je m'accroche le plus possible à la main que je tire. Je dois nous sortir de là, je dois LES sortir de là.

    Ah, enfin, des escaliers de secours. Nous devons traverser un petit pont suspendu au-dessus du rez-de-chaussée où les flammes ont déjà presque tout balayé.

    Je crois que l'enfer ressemble à ça. On dirait une scène de film, on dirait un mauvais rêve, un cauchemar où j'agonise en me forçant à croire que je vais m'en tirer. J'aperçois d'en haut la sortie à l'arrière du musée, et la pointe du doigt :

    - Ok. Vous passez les premiers sur la passerelle. Courez et descendez en vitesse, le plus vite possible.

     

    Je fais passer le couple en sanglots devant moi, et les pousse sur le petit pont. Ils sont hésitants, et je les comprends : un feu déchaîné s'attaque au bois et les bords sont déjà en piteux état. Mais dans ces circonstances, il faut tenter le tout pour le tout. Je décide de ne pas les brusquer. A trois sur cette structure fragilisée, il est facile de tomber. Pourquoi avoir construit une passerelle aussi haut ? J'en veux à l'architecte de ce musée, j'en veux à la personne qui a débuté ce feu, sorti de nulle part.

     

    Alors que le couple avance sur la passerelle, je convulse sous une crise de toux et me débarrasse de mon sweat à capuche. Erreur totale. J'aperçois au dessous de nous des gens carbonisés, des corps inanimés qui brûlent et, au dehors, des sirènes qui hurlent à plein régime. Mes yeux se remplissent instantanément de larmes d'horreur, et la passerelle craque. J'essaie d'avancer, mais mon poids aggrave à chaque seconde l'état du pauvre édifice. Et alors que j'aperçois l'homme devant moi poser le pied sur le parquet, le bois derrière moi craque.
    Dans un élan de surprise, j'essaie de me rattraper à quelque chose, mais il est trop tard, mon corps est happé par les flammes. Et les sirènes continuent de hurler au dehors, et des voix d'hommes grondent.


  • Commentaires

    1
    Cloranne
    Samedi 6 Février 2016 à 17:05
    C'est génial!!
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